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Frédéric David : "J'ai une affection réelle pour le monde agricole"

  • Léa Calleau
  • 25 avr. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 oct. 2021

Double actif, Frédéric David partage son temps entre sa ferme et l'accompagnement des adhérents aux Cuma (Coopérative d'utilisation du matériel agricole). Touché par les difficultés que vivent certains agriculteurs, il leur apporte son aide dès qu'il le peut.


"Quand je prends le volant d'un tracteur, la terre s'arrête de tourner. C'est mon espace de liberté." © Mme David

Un martien débarque, explique-lui ton métier.

J'ai deux métiers : je suis animateur au sein de la Fédération départementale des Cuma. J'accompagne des groupes d'agriculteurs dans leur vie au quotidien (résolution des conflits, impayés, création et dissolution de Cuma). Et depuis 12 ans, j'ai repris la ferme familiale, avec 57 ha de cultures, douze vaches allaitantes et une vingtaine de brebis.


Pourquoi avoir choisi de devenir agriculteur ?

Mes parents étaient éleveurs de moutons. Je n'étais pas passionné par l'élevage, mais déjà en 6ème, j'ai dit à la conseillère d'orientation "Un jour, je serai céréalier". En 2008, mes parents ont bénéficié d'une retraite anticipée. Leur ferme était morcelée avec des ilots distants chacun de 6 km. Sa configuration la rendait difficilement transmissible. Je me suis dit "c'est maintenant". Je n'étais pas motivé pour reprendre l'élevage, mais pour les grandes cultures. J'ai une passion pour le machinisme. Enfant, je suivais mon père et mon oncle dans les travaux des champs. La ferme est dans ma famille depuis 1927, j'ai un attachement profond à ce patrimoine.


Ce que tu aimes le plus au quotidien dans ton travail ?

Quand je prends le volant d'un tracteur, la terre s'arrête de tourner. C'est mon espace de liberté. Je respire. Même s'il faut être attentif, j'ai l'esprit libre. J'aime lire, si j'ai envie de penser à pleins de choses, écouter une émission de radio qui m'intéresse, j'ai cette liberté.


Et dans mon activité pour la Cuma, ce que j'aime le plus, ce sont les belles rencontres. Quand je vais sur le terrain, l'agriculteur m'emmène toujours visiter sa ferme. J'apprends beaucoup de choses. Ils aiment partager leur expérience, c'est ça qui est intéressant. Quand j'avais vingt ans, je voulais être uniquement agriculteur, je n'étais pas sûr d'aimer trop les gens. J'ai dû me lancer dans une activité salariée pour construire une famille. Par mon travail, j'ai appris à entrer en relation et ça me manquerait aujourd'hui. J'ai une affection réelle et une passion pour le monde agricole. Quand je parle à un agriculteur, c'est mon ami, mon père, mon oncle, c'est un gars de ma famille ! Sans ce côté humain, j'aurais baissé les bras.

Ce qui est le plus dur ?

L'élevage. Les animaux nécessitent un accompagnement et une présence au quotidien. Heureusement, mon père retraité est là. Quand j'ai eu le Covid, il a pu s'en occuper. En période de vêlage, je pars au travail le matin la boule au ventre. C'est du vivant, on ne peut pas le négliger. Je me pose la question de supprimer un cheptel, pour avoir une meilleure qualité de vie.


Quels sont les temps forts de l'année ?

La récolte l'été et les semis de céréales en octobre. C'est à l'automne que j'ai le plus de cultures à implanter. Je recommence à préparer les sols pour un nouveau cycle de production.


La plus grosse idée reçue que les gens ont sur ton travail ?

Le fait qu'on est vu comme des pollueurs. J'ai entendu des critiques de la part d'un voisin qui a un étang à proximité de mes parcelles. Il n'a pas vu d'un bon œil le passage de l'élevage aux cultures. Quand je traverse la bourgade pour aller dans mes champs, je suis pas fier avec le pulvé. Le regard des gens met une pression.


Qu'est-ce que tu leur réponds ?

Par exemple, avec mes nouveaux voisins, un couple de jeunes parents, j'ai pris les devants. Je leur ai expliqué que s'ils me voient dans le champ avec le pulvérisateur, ce n'est pas toujours pour épandre du glyphosate. Parfois ce sont des amendements calcaires, ou des produits homologués en bio... Quelle image ils vont avoir si je ne leur explique pas ce que je fais ? Je les invite à me poser des questions, qu'ils ne se sentent pas gênés. C'est normal : quand on se croise on se parle, je ne veux pas vivre comme un sauvage. Les gens qui ne sont pas issus de l'agriculture ne sont pas des cons à qui on ne peut pas parler !


L'agriculture de demain, tu l'imagines comment ?

Elle me fait peur. Il y a 440 000 exploitations à l'heure actuelle. Dans dix ans, on divise par deux le nombre d'actifs. Ça veut dire un territoire moins vivant. Je vois une évolution depuis le début des années 90, des corps de ferme vendus à des non agriculteurs. On est toujours moins nombreux, pour moi ça a un côté pesant.


L'agriculture est plus tournée vers des pratiques respectueuses de l'environnement, avec des pratiques très différentes. J'imagine des fermes plus petites avec une recherche de valeur ajoutée et des grosses exploitations, plus traditionnelles. Il y aura moins de fermes de taille moyenne.


Aux jeunes qui ne connaissent pas ta profession, quel est ton message ?

Que ça fait partie des plus beaux métiers qui existent. On peut y trouver satisfaction. On réalise des tâches très différentes : conduire le matériel, l'entretenir, s'occuper d'animaux, aménager des bâtiments, les construire, faire de la mécanique, travailler en extérieur, avec le vivant... La naissance d'un veau, c'est une satisfaction. C'est ce qui rend beau ce métier.


Si tu étais ministre de l'agriculture, quelle serait ta première mesure ?

Faire en sorte que tout agriculteur français puisse vivre dignement de son métier. Le fondement, c'est de couvrir les coûts de production. J'ai des doutes sur la volonté de la classe politique. Les agriculteurs sont sous perfusion des aides européennes. Elles permettent à la France de produire de la nourriture bon marché, mais au détriment du revenu des agris.


Quand je vois un éleveur ovin qui a de bons résultats techniques, mais ne s'en sort plus et se retrouve à appeler Solidarité Paysans, ça me met hors de moi ! On a voulu une agriculture mondialisée, mais ce qu'on oublie, c'est que derrière un agriculteur, il y a une famille. Il y a une femme, des enfants. Quand vous passez dans une ferme, qu'un agriculteur vous parle de ses difficultés, la dame se met à pleurer... J'ai beaucoup de mal à accepter ça...


Agriculteur et épanoui, c'est possible ?

Oui c'est possible, j'en connais ! Des gens trouvent un épanouissement, je le sens dans nos discussions.


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