Gabrielle Dufour, un pont entre deux mondes
- Léa Calleau
- 8 janv. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 oct. 2021
Parisienne, fille de professeurs, Gabrielle Dufour change de regard sur l'agriculture lorsqu'elle monte une AMAP*, une association qui engage les consommateurs auprès d'un maraicher. Écolo convaincue, elle se confronte alors à une réalité qu'elle méconnaissait : cultiver la terre. Elle cherche aujourd'hui à nouer le dialogue entre deux mondes qui ne s'entendent pas : écologistes VS agriculteurs.

Son histoire, Gabrielle la raconte dans plusieurs threads sur le réseau social Twitter. Cette ancienne kinésithérapeute revient sur les convictions qui l'animaient il y a quatre ans : elle veut aider les agriculteurs, "ceux qui ne sont pas encore convertis, qui utilisent encore des pesticides et qui n'ont pas encore compris
le bio et le circuit court". C'est avec cette motivation qu'elle monte son AMAP, Duroc et des Légumes, en 2016, dans le 7ème arrondissement de Paris. Après un an, un mildiou, un maraicher exténué et un coup de main dans les champs en plein hiver, des doutes font surface.
"J'ai commencé à comprendre un truc essentiel : c'est que je n'y connaissais rien en agriculture."
Gabrielle rencontre alors Richard Blanc, éleveur laitier conventionnel en Moselle, qui vend son lait à la grande distribution... "Et pourtant, tout ce qu'il dit me parle : les vers de terre, la biodiversité, la rémunération juste, l'écoute des consommateurs", écrit-elle dans un tweet. Richard Blanc a lancé une marque indépendante (FairFrance) dans le but d'une meilleure rémunération et il projette de créer une fromagerie pour de la transformation. "On n'est pas en bio mais ça a l'air tellement BIEN !", reconnait Gabrielle. Elle comprend que Richard ne l'a pas attendue pour initier des changements sur sa ferme afin de mieux prendre en compte les attentes sociétales.
D'autres rencontres, sur le terrain ou les réseaux sociaux, la font cheminer vers une nouvelle posture, moins sectaire. Méthanisation, agriculture de précision ou de conservation des sols, l'étendue des savoirs qu'elle découvre lui fait dire qu'elle "n'y [connaissait] rien en agriculture."
Je pensais que j’avais de l’empathie, que j’avais la solution que les agriculteurs n’ont pas la capacité de trouver.
Un pas l'un vers l'autre
Le 16 septembre dernier, Gabrielle Dufour est reçue sur le plateau du Space TV, le salon international des productions animales de Rennes, pour parler de son parcours. Elle admet qu'elle avait une vision très manichéenne de l'agriculture : d'un côté, les petits producteurs bio, forcément vertueux, et de l'autre, les agriculteurs empoisonneurs et victimes du système. « J’étais à l’époque très condescendante vis-à-vis du monde agricole. Je pensais que j’avais de l’empathie, que j’avais la solution que les agriculteurs n’ont pas la capacité de trouver », explique-t-elle.
Le monde agricole est finalement comme le sien, celui des écologistes, "complexe, avec ses compromis et ses contradictions. Et aussi quelques préjugés". Longtemps, elle a eu peur de parler de sa découverte du monde agricole dans le milieu qu'elle fréquente, tellement la fracture est grande. Ses détracteurs la rangent dans le camp des "pro-Monsanto". D'autres la remercient pour sa vision nuancée. Ce sont près de 4 800 personnes qui la suivent maintenant sur Twitter.
Gabrielle se sent "plus écolo qu'avant", grâce à une meilleure connaissance de ce qu'elle consomme et la manière dont c'est produit. "[Son] angoisse de voir la nature détruite sans pouvoir agir" s'adoucit au fur et à mesure qu'elle mène des actions. À côté de l'AMAP qu'elle continue de présider, elle a monté une start-up, Data farm, qui allie numérique et écologie.
Au cours d'une journée à la ferme de Richard Blanc, en compagnie de "trois amis végétariens parisiens", Gabrielle a compris que chacun a un pas à faire vers l'autre. "Je me dis que vous entendez aussi les attentes sociétales, les agris, que ça vous fait évoluer même si on vous agace un peu avec nos exigences et nos états d'âmes (...), écrit-elle dans un thread en mai 2020. Et nous, les urbains, les écolos, les sachants, on doit faire un énorme effort pour être humbles et accepter qu'on ne sait rien ou si peu, de ces femmes et ces hommes qui passent leur vie entière à expérimenter."
Retrouvez ses témoignages sur Twitter : @GabrielleDufou5.
*AMAP : Association pour le maintien d'une agriculture paysanne
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