Déforestation : l'agriculture française, grande responsable ?
- Léa Calleau
- 28 août 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 oct. 2020
"Déforestation, la France complice", condamne l'ONG GreenPeace, qui pointe régulièrement la responsabilité de l'élevage français et ses besoins en soja. Mais si la France arrêtait ses importations de soja, cela mettrait-il fin à la déforestation ? Quel est précisément le rôle de notre agriculture ?

Sans soja, point d'élevage. C'est le constat (en partie contestable) des éleveurs. Cette plante très protéinée s'est rendue incontournable dans la ration des porcs, volailles et vaches laitières. Trois pays dominent la production mondiale : les États-Unis, le Brésil et l'Argentine. Au Brésil, les cultivateurs rognent chaque année sur la forêt pour agrandir les parcelles.
Benoît Rouillé, responsable de projets à l'Institut de l'élevage Idele, rappelle quelques faits : "la France importe 3,3 Mt (millions de tonnes) de soja par an. Sur ces 3,3 millions, 2,4 Mt le sont sous forme de tourteaux de soja (voir encadré ci-dessous). Ces importations sont passées de 4,6 Mt en 2003 à 2,4 Mt en 2018, soit une baisse de 47,80%." Les filières ont pris conscience du problème et travaillent sur des solutions pour réduire leur dépendance.

La France et le reste du monde
Cette dépendance aux protéines végétales étrangères est estimée à 40-45% pour la France, 70% pour l'Europe. L'Union européenne est le deuxième importateur mondial (12,2 Mt), loin derrière la Chine (51,3 Mt) qui capte 80% des exportations de graines de soja mondiales et 65% des produits soja exportés par le Brésil. Cette importation massive par la Chine est liée à l'augmentation de la consommation de viande.
Aujourd'hui, même si les éleveurs français parvenaient à se passer du soja brésilien, les incendies continueraient de ravager l'Amazonie. Ces chiffres remettent la responsabilité de la France à sa juste place, sans pour autant légitimer cette déforestation importée, contre laquelle le gouvernement français a lancé un plan de lutte en 2018.

Relocaliser ou remplacer
La culture de soja en France reste très limitée, avec une production qui oscille depuis trente ans entre 100 et 300 000 tonnes. La moitié est destinée à l'alimentation humaine. La relocalisation de cette culture sur le territoire national a pourtant bénéficié d'aides financières et de plan de communication par les coopératives pour motiver les agriculteurs. Sa gourmandise en eau a été un premier frein. "Le soja consomme à peu près autant d’eau qu’un maïs plein irrigué", détaille le directeur de la coopérative Sèvre et Belle, Médéric Brunet. Avec 15% d'agriculteurs irrigants, la plante a du mal à gagner du terrain. À cela s'est ajouté la difficulté de trouver l'équation entre un prix rémunérateur pour le cultivateur et un coût raisonnable pour l'éleveur. Des cultures de soja non OGM se sont tout de même implantées pour des produits haut de gamme (beurre AOP Poitou-Charentes, Lait de Pamplie...).
À défaut de produire du soja, il est envisageable de le remplacer. Fèverole, lupin, luzerne, colza ou pois de printemps sont des protéagineux de substitution intéressants. Pour Antoine Bretaudeau, directeur de l'usine de fabrication d'alimentation animale Arrivée Bellanné, "il ne faut pas miser sur un seul produit." Si des études ont montré qu'il était possible de remplacer le soja dans les élevages de vache laitière, il n'est pas encore démontré que les volailles et les porcs peuvent s'en passer, alors que ce sont les plus gros consommateurs.
Le tourteau de soja, quésaco ?

On appelle "tourteau" la farine de soja, généralement produite à partir des résidus laissés après l'extraction de l'huile par trituration (broyage) des graines.
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