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Réserves de substitution : les pro et anti-bassines sont irréconciliables

  • Léa Calleau
  • 7 oct. 2021
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 oct. 2021

Le conflit autour des réserves de substitution dans l'ex-région Poitou-Charentes a pris un autre tournant depuis le début des travaux en septembre. Les anti-bassines dénoncent le recours à l'argent public pour un usage privé de l'eau. Les porteurs de projet leur répondent « intérêt collectif ».


Réserve de Périgné © CCO

Les réserves de substitution, c'est le dossier sensible des Deux-Sèvres. À Petit-Breuil-Deyrançon, la ferme d'Alexis Maye fait partie des 220 exploitations agricoles raccordées à l'ouvrage d'ici 2022. En contrepartie, l'éleveur deux-sévrien doit accélérer la transition agroécologique sur sa ferme (plantation de haies, luzerne, installation de corridor écologique...). Chose assez inédite pour être soulignée, Alexis Maye n'a pas besoin d'eau pour des grandes cultures, mais surtout pour arroser ses prairies et assurer ainsi l'alimentation à l'herbe de ses 90 vaches.


Les réserves de substitution ont essaimé depuis une dizaine d'années, principalement en Vendée, qui en compte 24 à ce jour. La construction de 16 ouvrages, réparties entre les Deux-Sèvres, la Charente-Maritime et la Vienne, vise à sécuriser la ressource en eau pour les agriculteurs. Dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique, l'objectif semble pertinent : puiser l'eau dans les nappes phréatiques l'hiver pour irriguer les cultures l'été sans assécher les sols.


L'enjeu est d'anticiper la raréfaction de la ressource en eau avec des sècheresses de plus en plus fréquentes, mais il est aussi économique. « Demain, alors que le prix de l'eau va doubler, et compte tenu des volumes réduits, les cultures des terres irriguées vont se modifier, a déclaré Jean-Marc Renaudeau, président de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, lors d'un questions-réponses avec les habitants. Plus qu'hier encore, l'eau devient un investissement dans les fermes. Elle permettra de sécuriser la production de fourrages pour l'élevage, répondre aux besoins des filières de production de protéines végétales sans OGM ou de semences, d'accompagner le développement de l'agriculture biologique ».


L'eau, bien public


Un curieux hasard a guidé les évènements pour que coïncident la même semaine le congrès de la Fnsea (syndicat agricole majoritaire), repoussé depuis un an et demi en raison de la crise sanitaire, et le lancement des travaux des réserves. En opposition au projet, soutenu par la Fnsea, vingt tracteurs et 600 personnes se sont réunis dans le centre de Niort mercredi 22 septembre, à l’appel du collectif Bassines non merci et de la Confédération paysanne. De la place de la Brèche, ils se sont rendus sur le site de la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon pour interrompre les travaux.




Les associations mobilisées (les Soulèvements de la Terre, Sud Solidaire, CGT, FSU, Solidaire par nature, France Insoumise…) pointent le financement public de ces ouvrages pour une utilisation privée de l'eau : « Ce projet est une forme d’accaparement de l’eau par certains », a jugé Nicolas Girod, porte-parole national du syndicat agricole, venu du Jura pour la manifestation.


« Ce projet est une forme d’accaparement de l’eau par certains ».

Le coût de la construction, estimé à 60 millions d'euros, est financé à 70% par l'État via l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. Les agriculteurs assument les 30% restants à travers leur adhésion à la Coop de l'eau, une société coopérative qui rassemble les irrigants. Au total, 4% des agriculteurs du territoire vont bénéficier directement de l'eau des réserves, 10% de manière indirecte.


Les militants réunis à Mauzé-sur-le-Mignon ont fait valoir d'autres urgences. « Plutôt que la dépense d’argent public pour le stockage de l'eau sur des bâches noires », ils appellent à soutenir plus fortement une agriculture « sans pesticides, qui produit pour son territoire prioritairement ».


L'épineuse question du maïs


Une dizaine d'espèces végétales pourra bénéficier de l'eau des réserves. Selon les secteurs, les surfaces irriguées accueillent principalement, par ordre décroissant, du blé, du maïs grain, du maïs fourrage (ces deux derniers servant à l'alimentation animale), des prairies / fourrages, des productions d'oléo-protéagineux tels que le soja, des semences et des légumes.


Les principaux débouchés de ces cultures sont donc l'alimentation animale ou l'exportation. La culture du maïs concentre systématiquement les critiques. La France est le premier exportateur européen de maïs grain et semences (4,2 millions de tonnes par an). L'ex-région Poitou-Charentes représente 11% de la production, écoulée par La Pallice, le port fluvial de La Rochelle. Un quart seulement de la production est irriguée et, contrairement aux idées reçues, le maïs n'est pas la céréale qui consomme le plus d'eau (500 litres pour 1 kilo contre 600 litres pour 1 kilo de blé, source eaufrance.fr).


Troisième poste d'excédent commercial français, le secteur agricole et agroalimentaire, stratégique pour l'État, a été défendu par le ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, lors de son discours au congrès de la Fnsea, le 23 septembre. Il s'est positionné en faveur du projet des réserves de substitution : « Il n'y a pas d'agriculture sans eau. Ceux qui disent le contraire se trompent. Et il n'y a pas de grand pays sans une agriculture forte. Cela n'a jamais existé. »


Transformer les pratiques, vœu pieux ou réalité


Maintenir l'activité agricole, la polyculture élevage, c'est au fond conserver le statut de la France dans ce secteur économique. Les contreparties environnementales (voir encadré) amorcent un changement de pratiques, « mais pas une révolution » de l'avis même d'Alexis Maye, l'éleveur du marais poitevin.


Sans rêver à une transformation radicale, des signataires de l'accord ont vu dans ce projet une opportunité d'évolution. Deux-Sèvres Nature Environnement (DSNE) et les chercheurs Vincent Bretagnolles et Alexis Pernet, membres du comité scientifique et technique, se sont positionnés en faveur de ce projet, « le seul aujourd’hui qui permette d’explorer l’hypothèse de travail selon laquelle, par un levier – ici l’accès à l’eau - on va pouvoir, en associant d’autres leviers, accélérer la transition agroécologique sur ce territoire », de l'avis des scientifiques. « Les irrigants sont sortis de leur posture », confirme Yanik Maufras, président de DSNE, qui les enjoint à « s'emparer de leur biodiversité ».


Cependant, l'Observatoire des pratiques agricoles et des actions en faveur de la biodiversité n'a toujours pas été mis en place. Cet outil, majeur dans la mise en œuvre du protocole d'accord, doit permettre de suivre l'évolution des pratiques des irrigants et valider leur accès à l'eau. En son absence, DSNE juge « prématuré » le démarrage des travaux. La balle est dans le camp des acteurs du monde agricole pour agir en transparence et éviter ainsi que « les écolo leur disent ce qu'ils doivent faire », selon les mots du président de DSNE.



Un projet vieux de dix ans


- 2011 : naissance du projet.

- 2018 : signature du protocole d'accord pour la création de 16 retenues d'eau, avec un volume total de 5,7 millions de m3. En échange, 220 exploitations, regroupant 400 agriculteurs, prennent des engagements en faveur de la transition agroécologique (5 000 hectares convertis en agriculture biologique, 2 000 hectares de soja non-OGM, plantation de kilomètres de haies, baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires à hauteur de 50 %, à l’échelle du territoire, d’ici cinq ans).

- 2021 : lancement en septembre de la première tranche de travaux à Mauzé-sur-le-Mignon, dont la fin est prévue pour le mois de décembre.

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