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Fabrice Jaulin, 43 ans, des poules, des œufs et des bâtiments impayés

  • Léa Calleau
  • 7 juil. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 oct. 2021

En dix ans, Fabrice Jaulin a investi plus de 6 millions d’euros pour aménager ses bâtiments. Éleveur de poules pondeuses en cage, plein air et volière, il a dû se mettre en conformité avec les nouvelles normes et les demandes de la société. La cadence des changements successifs l'ont laissé amer et endetté.

Installé en 1998, Fabrice Jaulin a dû rénover trois fois ces bâtiments depuis. © Léa Calleau

Le soleil tape fort dans le parc qui longe les bâtiments de l'exploitation de Fabrice Jaulin, située à Bressuire (79), en cet après-midi de juin. « Les poules préfèrent rester à l’intérieur, il fait meilleur », explique-t-il. Dans ses hauts bâtiments aux fenêtres basses, les poules s'ébattent à chaque démarrage des ventilateurs, au sol ou sur leurs perchoirs. Une question d’un jour ou deux d’adaptation, précise le producteur d’œufs. Il décrit longuement son élevage, où tout est contrôlé, de la plus petite fiente qui finit séchée pour fertiliser les cultures des maraîchers alentours jusqu'à l'eau dont le pH est maintenu à 6 pour éviter les germes.


Tout en étant fier de sa manière de travailler, Fabrice Jaulin exprime davantage de lassitude que de passion. À 43 ans, cet éleveur est fatigué d’être pris en étau entre le marché et les demandes des consommateurs. « On travaille sept jours sur sept. Le seul retour de la société que l’on a, c’est qu’on fait tout mal. À un moment, vous lâchez l’affaire, vous n’avez plus envie », se résigne-t-il.


Ce mois-ci encore, des éleveurs manifestaient pour protester contre la casse des prix. Ils demandent un centime de plus par œuf. En vain. S’ajoute à cela la pression exercée par la société pour plus de bien-être animal. Sur ses 180 000 poules, Fabrice Jaulin élève plusieurs lots en cage. Depuis son installation, il les a agrandies trois fois, passant de 350 cm2 à 450, puis 550 cm2. Le dernier aménagement, impulsé par une mise aux normes européennes, l’a fait passer à des cages de 750 cm2, avec perchoirs, nids, zone de grattage… Montant total : cinq millions d’euros.


On travaille sept jours sur sept. Le seul retour de la société que l’on a, c’est qu’on fait tout mal.

Deux ans après, une pétition (End the cage age) a conduit l’Union européenne à interdire l’élevage en cage d'ici 2025. « J’ai dû enlever le matériel dans deux bâtiments sur trois au bout de huit ans, sans l’avoir totalement payé. Je savais que rester en cage, c’était aller droit dans le mur ». L'enchainement des décisions est trop rapide pour l'éleveur, qui s'inscrit dans un temps long d'investissements et d'amortissements. Demain, il ne pourra plus investir pour transformer ses bâtiments, rapidement usés par les fientes des poules. "Je connais des éleveurs proches de la retraite qui ne peuvent plus renouveler leur outil. Ils savent qu'après eux, personne ne pourra reprendre la ferme. Ce n'est pas rentable".


Bien-être de l'éleveur


L'air grave, Fabrice Jaulin parle sans pause, profitant de l'occasion d'exprimer son ras-le-bol. "Les élevages français respectent des cahiers des charges toujours plus exigeants, des contraintes sanitaires élevées, mais ce n’est jamais assez. Les gens ne veulent pas payer, pourquoi se casser la tête à faire bien et bio ? Si nous n'avons plus les moyens, qui va produire les 15 milliards d'œufs consommés en France chaque année ?" interroge-t-il. Il constate également que les choix des consommateurs ne suivent pas toujours leurs idées : "Certains achètent des œufs de code 0, 1 ou 2*, mais dès qu'ils font des courses pour un grand repas, ils vont prendre du code 3 sans se poser de questions".


Les gens ne veulent pas payer, pourquoi se casser la tête à faire bien et bio ?

Il a tenté d'expliquer son métier via les réseaux sociaux, avant d'abandonner. "Des personnes commentaient mes tweets en comparant l'élevage au nazisme et aux camps de concentration !"


Fabrice Jaulin a réduit son cheptel de 120 000 poules en quatre ans pour qu'elles aient plus d'espace dans des parcs extérieurs et des jardins d'hiver. Seulement, la baisse en volume n'a pas été compensée par une meilleure valorisation : « J’avais quatre salariés, je suis passé à deux et demi. C’est aussi moins de temps personnel pour moi, regrette-t-il. Je tiens parce que j'ai des engagements financiers". Père de quatre enfants, il ne leur conseille pas de prendre la suite.


* Les codes sont inscrits sur les coquilles et indiquent le système d'élevage : 0 bio, 1 plein air, 2 hors sol, 3 en cage.



Cage VS plein air


Producteur d'œufs de code 1, 2 et 3, Fabrice Jaulin a pu comparer les différents systèmes d'élevage. De son point de vue, le plein air n'est pas la panacée et les cages ne sont pas l'horreur décrite par les associations animalistes. "Les gens ne comprennent pas que l'agressivité humaine existe aussi au niveau des animaux. Il y a plus de cannibalisme dans les systèmes plein air, où le taux de mortalité est de 10%, contre 4% en cage". L'effet de concurrence est moindre avec des effectifs plus restreints, 24 poules en cage contre 44 000 en volières (séparées en quatre unités).


D'un point de vue sanitaire, l'œuf en cage est plébiscité car plus frais. "Les œufs sont tout de suite ramassés. Dans les autres systèmes, ils ne sont pas toujours bien réceptionnés et peuvent être bloqués pendant quinze jours".


Rapaces, oiseaux migrateurs... les poules doivent être protégées de ces dangers à l'extérieur. "On nous a demandé de réduire les antibiotiques, je n'en utilise plus du tout pour les lots en cage. On met des huiles essentielles dans les brumes pour diminuer la pression bactérienne. En plein air, il y a le problème de l'influenza aviaire". Les volailles ont été tout juste déconfinées en mai 2021, après plusieurs mois enfermées pour éviter la propagation du virus.


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