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Les fruits et légumes bio sont-ils écolo ?

  • Léa Calleau
  • 13 août 2021
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 oct. 2021

Garantie sans pesticides, l’agriculture bio est souvent perçue comme la voie idéale pour verdir un secteur polluant. Le maraîchage bio a ainsi le vent en poupe auprès du consommateur, l’avocat est un fruit en vogue, mais ces cultures sont-elles pour autant écologiques ?

En supermarché, les fruits et légumes bio sont vendus sous emballage. © Léa Calleau

Malaga, sud de l’Espagne. Des collines à perte de vue, une terre ocre couverte d’une végétation luxuriante. Pendus aux branches de petits arbres alignés en rang, de grosses baies à la peau rugueuse allant du vert pistache au brun violacé. Surnommé l’or vert, la culture des avocats est en plein boom. Le Portugal, l’Italie et la Grèce talonnent le pionnier espagnol pour faire partie de cette success story.


Mais quel est le coût écologique de cet aliment prisé des vegans et bio adeptes ? Comme d’autres productions aux allures vertueuses, l’avocat n’en mène pas large sur le plan environnemental. Les fruits et légumes bio (c'est-à-dire cultivés sans produits chimiques de synthèse) ne sont pas toujours des élèves modèles. Transport sur des milliers de kilomètres, épuisement des ressources en eau, recours au plastique à usage unique, émission de CO2 pour traiter les cultures...


L'avocat du diable


Symbole de la healthy food, riche en potassium, minéraux, vitamines, bon gras, l’avocat est une vedette mondiale. La France n’échappe pas au phénomène, se plaçant comme deuxième pays importateur après les Etats-Unis, avec une consommation moyenne de 2,6 kg par habitant et par an. Sur Instagram, le hashtag #avocado grimpe à plus de 12,4 millions de référence.


En toast ou salade, l'avocat se décline en mille posts sur Instagram.

Au niveau de son bilan carbone, l’avocat européen s’en sort mieux que celui d’Amérique latine, ce que les producteurs ne manquent pas de mettre en avant comme argument commercial. « Il faut 48 heures pour acheminer les avocats en camion depuis l’Espagne, contre trois semaines par bateau pour ceux en provenance du Pérou », témoigne Alain Alarcon, directeur de l’entreprise Banagrumes qui revend des avocats espagnols sur le marché de Rungis. Pour ce spécialiste de la logistique alimentaire, la meilleure solution serait de remettre en service le train des primeurs, qui relie Perpignan à Paris et se trouve à l'arrêt depuis l'été 2019, afin de limiter les camions sur l'autoroute.


Mais l'avocatier a un point noir, sa gourmandise en eau. Il faut entre 400 et 600 litres pour produire un kilo, trois fois plus que pour des tomates. Dans la région aride de Malaga, où les pluies se font rares, le recours à l’irrigation fait débat. Des militants écologistes dénoncent un manque de contrôle des volumes autorisés… et un dépassement régulier et massif de ces volumes.


Faut-il alors boycotter l'avocat et faire de ce met si séduisant un fruit défendu ? A Paris, plusieurs restaurateurs ont fait ce choix. Aujourd’hui demain et la chaine parisienne des cafés Marlette ont ainsi annoncé sur leur compte Instagram qu’ils retiraient l’avocat de leur carte en février 2020. Une décision difficile à prendre, au risque de perdre une partie de leur clientèle, mais qui a été saluée par les internautes. Scarlette Chavinier, co-fondatrice de Marlette avec sa sœur Margot Caron, veut trouver une filière de qualité avant d'en reproposer à ses clients.


Dans le sud de la France, sur la côte d’Azur, une poignée de producteurs vendent des avocats biologiques en circuit court. Josiane Pancioni, maraîchère à Carros, a planté un noyau d’avocat il y a trente-cinq ans. Il produit aujourd’hui entre 800 et 1000 fruits par saison. Sans l’irriguer, elle écoule sa petite production à 2,50 euros l’avocat. Sur les sols pentus de Menton, le cultivateur Laurent Gannac veut quant à lui augmenter sa production, avec une dizaine d'arbres en plus des quatre actuels. Il a mis en place une boutique en ligne pour vendre ses produits… de saison ! La vente est ainsi indisponible pour le moment.


Mon petit maraîcher bio et le plastique


Loin de l'importation de fruits exotiques, le maraichage correspond à une forte attente de produits locaux. A Celles-sur-Belles, un village des Deux-Sèvres, Simon Jaubert, 34 ans, commence sa première année en tant que maraîcher. Courgettes et choux bios, vendus en panier.


Sous la serre, pas de bâche en plastique, mais de la paille. "Un choix personnel", explique cet ancien professeur des écoles, pour prendre soin de la terre et utiliser de manière raisonnée le plastique.


Simon Jaubert, 34 ans, maraîcher à Celles-sur-Belles (Deux-Sèvres).

Les matériaux en plastique sont en effet nombreux dans les cultures maraîchères, même en bio. Tuyaux d'arrosage, bâche de paillage, serre, ficelles pour tutorer les haricots et les tomates... Le plastique s'infiltre dans les moindres gestes du cultivateur et, il faut le dire, lui facilite la vie.

"Les tuyaux d'arrosage en goutte à goutte, très fins, ne coûtent pas chers, explique Simon. Ils se posent en même temps que la bâche. Il suffit de les accrocher au tracteur, de dérouler et ça se fait en un rien de temps."


Une fois la saison terminée, il faut arracher la bâche, ce qui risque de percer le tuyau. Tout est alors à jeter. En comptant trois tuyaux par culture, avec trois cultures irriguées, il y en a pour neuf tuyaux par an de plusieurs centaines de mètres chacun.


En agriculture, rien n'est censé se perdre, tout se transformer. La filière A.D.I.Valor* organise des collectes et recycle la quasi intégralité des déchets agricoles. Les bâches plastiques deviennent ainsi des sacs poubelles, les ficelles des raccords pour l'irrigation... Plus de 80 000 tonnes d'emballages et plastiques usagés ont ainsi été collectés en 2020, et près de 90% recyclés.


"Je peux trier, mais je ne suis pas certain que tout sera recyclé", doute pour sa part Simon. Le meilleur déchet étant celui qu'on ne produit pas, il préfère limiter les plastiques à usage unique. "Je vais réutiliser les tuyaux d'irrigation, en espérant qu'ils ne soient pas percés. Ce qui est sûr, c'est que ça va me prendre beaucoup, beaucoup, beaucoup plus de temps".


Et s'il n'irriguait pas ? "Les légumes seraient d'un tout petit calibre, voire ne pousseraient pas". Pour avoir des tomates fin juin, il doit s'équiper d'une serre. Comme il ne pleut pas dans la serre, il faut irriguer.


"Sans serre, les tomates arrivent à maturité fin juillet, mais elles risquent d'avoir contracté une maladie, surtout une année pluvieuse comme celle-ci. Il faut alors un traitement bio efficace, ce qui n'est pas évident à trouver..."


La vraie question, pour ce maraîcher qui souhaite se lancer en AMAP, c'est de savoir si les consommateurs sont prêts à manger une courgette un an sur deux. Est-ce qu'ils peuvent payer l'effort réalisé pour faire pousser des légumes sans être certains de les consommer ?


La clé est certainement dans la décision du consommateur. Manger des avocats de janvier à décembre ne répond pas à un réel besoin nutritionnel. Alors que l'agriculture conventionnelle a poussé à son paroxysme un système fondé sur la productivité pour obtenir des aliments de manière stable et régulière, l'agriculture bio pourrait prendre le même chemin si elle s'industrialise à son tour.


*A.D.I.Valor : Agriculteurs Distributeurs Industriels pour la valorisation des déchets agricoles


Manger local et bio, une fausse route ?


Alors que la pandémie de Covid-19 a mis en lumière les thèmes de souveraineté alimentaire, des chercheurs s'inscrivent en faux avec cette tendance. Serge-Etienne Parent, professeur en génie agroenvironnemental à l'Université de Laval, en fait partie. Dans un article publié en août 2020 sur le site d'informations The Conversation, il dénonce le virage que certains veulent impulser vers une agriculture paysanne et bio. Son argumentaire repose essentiellement sur le faible rendement à l'hectare du bio. C'est-à-dire que pour une même surface de blé, une culture bio donne moins de blé qu'une culture conventionnelle. En suivant son cheminement, le bio exploite plus de terres qui pourraient servir à "la conservation et à la régénération d'aires et de corridors écologiques".


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